L'AUTRE QUOTIDIEN

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Short-cuts (6), par Nina Rendulic

 


au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure

krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas

semaine du 22 / 2 / 16

ce qui ressemble à aujourd’hui : l’odeur du café torréfié avant de prendre le un. le un traverse un fleuve et une rivière. le jour se lèvera vers 7h25 (route, verges, échafaudages). la Loire est haute et noire. dans le un, des étudiants (ensommeillés, bouffis, absents), des lycéennes (maquillées en vitesse, le rimmel coule déjà, sur leurs leggings noirs des poils de chats, dans leur têtes une chanson criarde et [de]-[zєs]-[pwaR] d’une belle vie), des mères au foyer (allant à Auchan avant l’ouverture). une agréable voix synthétique résonne dans les haut-parleurs : Moulin de l’Hôpital – Madeleine – Champ de Mars – (le temps est long les stations en cadence les reflets fuyants) - Université Château – Halle des sports – I.U.T.

aller, retour, aller, retour.

Le viaduc de Beauce

La voie d’essai de l’aérotrain d’Orléans est une ligne expérimentale de transport guidé de type monorail, construite en 1968, située entre Saran et Ruan dans le département du Loiret en région Centre-Val de Loire en France. La voie en béton, en forme de T inversé, est longue de 18 kilomètres (...). La ligne est désaffectée depuis 1977. Le viaduc demeure dans la campagne de Beauce, le coût de sa destruction étant jugé prohibitif au regard du peu de désagrément que sa présence au milieu des champs occasionne. (dixit Wikipedia)

Il faut le voir, « Les premiers, les derniers ». Il faut le voir comme…comme un tableau de Goya. Ses horizons sont sombres et désaturés et son ciel est lourd. Silence. La fin du monde approche. L’aérotrain (punctum ?) dessine la perspective. Dans ce film, tous les chemins sont linéaires et fictifs. Et c’est beau. Celui d’Esther et de Willy mène vers le salut, et un cadeau. Celui de Cochise et Gilou jusqu’à une ferme où ils sauront dire non et apprendront à sourire. Celui de Jésus à travers les armes vers la lumière. Celui du SDF vers la terre et la paix. L’aérotrain, tel un phare, leur illumine la route.

Robert Desnos

Se parler (parler à ou de soi ?) à la deuxième personne. C’est ce que tu fais, Robert. Tu m’enchantes (me chantes ?) et je parle au souvenir de tes mots. Je la vois, ta fenêtre au géranium. Il est rouge. Je n’ai que peu d’attrait pour ces fleurs, trop robustes, trop grasses, trop pleines de vie. Une fleur, c’est déjà le signe de la mort. Ta rivière est scintillante ta pensée vagabonde tes sens éveillés par le bourdonnement des abeilles. Mais…qui est cette réalité qui se tient sur le seuil et te hante dans les rêves ?

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Le patron de between se perpétue à l’infini dans les mots du monde des autres. 

 

 

 

 

Fear of flying

Imaginez une île. Une très petite île, pas plus grande qu’un terrain de foot. La face est de cette île est tournée vers le continent. Elle est rocheuse, aride, mais basse, et les bateaux peuvent y amarrer. La face ouest de cette île est tournée vers le large. La mer est bleue et noire et profonde. Les vents sont forts et les vagues, en hiver, puissantes. La face ouest de cette île est très haute. Une roche nue, blanche et grise, sur laquelle, au-delà de la hauteur que peuvent atteindre les vagues, pousse de la sauge sauvage. Une roche nue, qui se jette verticalement dans la mer profonde. Vous êtes sur le bateau, face est, et avec vos masque et tuba vous vous apprêtez à faire le tour de l’île. L’eau est cristalline et le fond sous-marin, à deux, trois mètres, vallonné, irrégulier et recouvert d’algues. Vous nagez vers le large. La mer s’agite. Vous contournez la face est et nagez le long de la face sud. Puis, vous y êtes. The point of no return. La mer crépite. Votre respiration est profonde. Vous planez au bord du gouffre. Là-haut, la falaise se jette dans la mer. Ici, dans la profondeur du silence, la même falaise tombe subitement vers un abîme, cent mètres plus bas. Vous êtes là, flottant au-dessus du précipice. Vos réflexes vous disent de reculer, votre corps a peur du vide, vos sens vous supplient de ne pas tomber. Mais votre cœur est gros et vos pupilles larges. Un mouvement des bras, et vous y êtes. Dans le vide. Dans le bleu, et noir, et profond, dans l’infini, parmi les petits poissons noirs. Vous n’êtes pas tombé dans l’abysse. La mer vous berce. Le temps d’une seconde, vous vous sentez immortel. Avant de fuir. Un réflexe.


Nina RENDULIC

Nina Rendulic est née à Zagreb en 1985. Aujourd'hui elle habite à 100 km au sud-ouest de Paris. Elle aime les chats et la photographie argentique. Elle vient tout juste de terminer une thèse en linguistique française sur le discours direct et indirect, le monologue intérieur et la "mise en scène de la vie quotidienne" dans les rencontres amicales et les dîners en famille. Vous pouvez la retrouver sur son site : ... & je me dis