Jean Lassalle ou le mythe de la bonne vieille droite du terroir
Je ne comprends pas l'engouement subit de certains d'entre vous pour Jean Lassalle : mes potes de Groland appellent à le parrainer, des médias dit de gauche lui déroulent le tapis rouge, Pierre Carles prépare un film-portrait qui sortira en pleine campagne électorale, et l'un d'entre vous vient de me dire qu'il va rejoindre la campagne de ce saint-homme. Bon, je ne voulais pas m’en mêler, mais là je crois que ça va pas être possible.
Franchement, je suis estomaqué. Savez-vous vraiment qui est Jean Lassalle, derrière le vernis de ses coups médiatiques ?
Pro-tunnel du Somport (axe européen E7), Jean Lassalle était le bras droit du sinistre député RPR et surtout banquier Michel Inchauspé, l'un des principaux promoteurs du projet juteux de bétonnage et de goudronnage de la magnifique vallée d'Aspe et chef de file des affairistes du coin. Lassalle a longtemps été le suppléant de son mentor (1988-2002) en charge des sales besognes, avant de le remplacer à partir de 2002. Aux dires de tous, Lassalle a été l'un des pires ennemis des zadistes durant toute la période de cette lutte (qui a connu son apogée avec le grand rassemblement du 22 mai 1994, avec 8000 opposants, jusqu’à la grève de la faim des zadistes, surnommés "les indiens", dont Pétof, en 2000). Lassalle n'était pas le "gentil" ou le "romantique" que certains racontent : il insultait, menaçait et lançait des anathèmes contre les zadistes de la vallée d'Aspe (dont l'abri a été incendié, durant une nuit en 1992 et dévasté à nouveau en 1993). C'était la dernière vallée vraiment sauvage des Pyrénées. Maintenant, passe à longueur de temps un armée bruyante et polluante de poids lourds (au lieu du projet de ferroutage que proposaient les opposants, puisque la ligne Pau-Saragosse existait déjà et nécessitait juste une remise en état). Bref, Lassalle a été propulsé en politique par un banquier affairiste du RPR, ses premiers faits de gloire ont été de combattre l'une des premières ZAD historiques en France, et son positionnement politique était déjà la droite et le tout productivisme.
Bon, j'accélère.
Pro-poulaga, Lassale a fait tout un pataquès, pour que ses gendarmes chéris ne s'éloignent pas de chez lui, en 2003.
Militariste à fond la cocarde, il est allé jusqu’à faire des pompes devant des journalistes en octobre 2016 pour manifester son soutien aux bidasses français de retour de leurs missions chez les pauvres bazanés.
Réactionnaire, il a voté contre le mariage pour tous, en avril 2013.
Profondément de droite, en dépit de son étiquette centriste, il l’a encore montré en revotant Sarkozy (au terme de son mandat), au second tour de la présidentielle 2012.
Capitaliste, évidemment, il critique la spéculation financière en mimant les slogans porteurs comme beaucoup d’autres, mais il fait l’éloge simultanément des grands capitaines d’industries, à commencer par Citroën, Renault et Peugeot (ah, la bagnole !)
Pro-chasse, même s’il n’est pas chasseur lui-même, il s'inquiète de la situation des chasseurs et appelle notamment à les soutenir, en 2011, parce qu’ils seraient en voie de disparition.
Anti-ours, par clientélisme, alors qu’il était président de l'organisme de tutelle, il a chapeauté le virage laxiste face aux chasseurs, abandonnant l'ourse Cannelle à des battues (tuée en novembre 2004), non content d’avoir déjà commencé à dévaster la vie sauvage de la vallée avec le tunnel, et, par la suite, il a empêché la reproduction des deux derniers ours (des mâles) en bloquant l’introduction de femelles.
Se rapprochant, depuis trois ans, de la mouvance conspirationniste, Lassalle est un intervenant régulier du plateau de la chaîne d’extrême-droite MetaTV aux côtés de son animateur soralien Tepa, ainsi que du Cercle des Volontaires (photo) aux côtés du confusionniste Raphael Berland et de son gourou Etienne Chouard qu’on ne présente plus (Lassalle fréquente aussi d’autres courants de l’extrême-droite comme Radio Courtoisie).
Non, franchement, votre blague, si c'en est une, est de mauvais goût. Il faudrait vite nous rassurer, dans les jours qui viennent : "mais non, on déconnait !" Malheureusement, il semble que ce ne soit pas le cas.
Oui, bien sûr, on le sait, on nous l'a rabâché cent fois : il a fait une grève de la faim pour "défendre l'emploi industriel" dans son bastion électoral. Un coup médiatique qui l’a fait connaître et dont beaucoup parlent encore. Oui, et alors ? Des grèves de la faim, même des jihadistes en taule en ont fait plusieurs fois. L'essentiel n'est pas là. De plus, quand cinq des opposants au tunnel ont fait une longue grève de la faim, six ans plus tôt, Lassalle n’a pas manifesté la moindre empathie ni fait le moindre geste.
Vous qui tombez dans le panneau, vous êtes dans le mythe de la bonne vieille droite du terroir.
Ce mythe est un leurre.
Comme beaucoup d'autres, Jean Lassalle est un productiviste pur et dur, casseur de ZAD et de nature sauvage, formé par un banquier affairiste et député RPR, capitaliste jusqu'à l'os, démago jusqu'à la moelle, centriste donc de droite, amoureux de la police, lèche-botte des bidasses, lèche-cul des chasseurs, ramasse-crotte de la complosphère, bateleur et arriviste, baratineur avec l'accent.
Oui, c’est vrai, il a l’accent. Et alors ? On stigmatise l’origine maintenant ? D’autant plus que c’est pas vraiment une référence : Pasqua, Baylet, Aliot, Gaudin...
Reste le côté fils de berger, façon José Bové en somme, sauf que… c’est du côté FNSEA ! Ben oui, la FNSEA. Savez vous seulement qui est son grand ami et suppléant au parlement ? L’un des pires producteurs de malbouffe dans l’hexagone : Barthélémy Aguerre, le fameux patron de Spanghero, celui qui vous faisait bouffer des lasagnes Findus au cheval roumain :
Longtemps après Giscard et son accordéon, Poujade et son topinambour, Pasqua et ses blagues corses, Chirac et ses vaches corréziennes… voilà que ça recommence !
Vous qui vous bouillonnez d’excitation devant son livre de campagne : « Un berger à l’Elysée », posez-vous juste une question, une toute petite question : si Jean Lassalle se pose en berger à l’Élysée, à votre avis, dans tout ça, vous êtes qui ?
Yannis Youlountas
Le réalisateur Yannis Youlountas est l'auteur des films "Je lutte donc je suis" et "Ne vivons plus comme des esclaves"