L'AUTRE QUOTIDIEN

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Apprendre à oublier pour mieux voir avec Stéphane Couturier

En scrutant à la surface du visible, depuis ses séries consacrées aux intérieurs d’usines, comme Renault à Boulogne-Billancourt (1993) jusqu’aux volumes organiques et fluides des Meltings, entrepris au milieu des années 2000, Couturier travaille à la captation du possible.

La grande force des images de Stéphane Couturier provient de ce jeu visuel exclusivement argentique jusqu'à sa récente série Melting Point réalisée à l'usine Toyota de Valenciennes. Il expérimente alors la fusion de 2 images préalablement scannées ; le résultat est un foisonnement de détails riche en couleurs, qui aboutit comme par magie à une grande cohérence. À l'origine, spécialisé dans la photographie d'architecture, Couturier s'est orienté vers la photographie plasticienne : ses photographies de chantier révèlent une ville organique, en transformation et en couleurs et se déclinent parfois en diptyques ou triptyques géants. Dans Landscaping, il s'intéresse aux villes nouvelles de Californie mais toujours sous un ciel nuageux écrasant les différents plans et opte pour un nouveau format : le panoramique- avant traitement numérique.

Walter Benjamin, déjà, le rappelait : à l’orée de la modernité, alors que sont inventés le microscope et le télescope, les appareils de saisie prolongent les sens, nous faisant accéder à l’infiniment grand et à l’infiniment petit. Toute chose familière, alors, est en passe de se draper d’étrangeté, et de nous faire entrevoir que notre vision naturelle n’est en rien prescriptrice.

Cet aspect là, Couturier s’ingénie à l’accentuer dans ses œuvres les plus récentes. Jouant des ressources du numérique, les procédures de montage et de superposition de deux prises de vues légèrement décalées ajoutent d’infimes incohérences visuelles.

Sa série Melting Point  prolonge sa réflexion sur comment les cultures modernes détruisent en construisant. A grand coup de panoramiques, il crée des images qui posent au spectateur la question du regard sur la ville et l'architecture et comment cela s'exprime sous forme de concept. Chaque image est imprimée en se basant sur deux moments différents réunis en un seul, ce qui crée une fiction à partir de détails très précis qui créent une abstraction. Des sortes d'images industrielles qui sont simultanément en parfaite harmonie et totalement hors contrôle. Et le trouble de surgir, et s'installer durablement…

Maxime Duchamps

Stéphane Couturier Anaklasis → 7 janvier 2017
La Galerie Particulière  16, rue du Perche 75003 Paris