Jeunesse, sauve le monde dans chacun de tes pas, par Lucie Hautelin
En (c)ouverture, Lucie Hautelin, photo Lucie Bremeault
Jeunesse, regarde toi,
ils t'ont tachée avec l'encre de leurs contrats,
Avec leurs business plans, ils t'ont enfermée dans une cage dorée,
C'est la taule de tes rêves, tu vis désormais dans un bureau aseptisé. Très tôt on t'a dit que tu étais privilégiée et qu'à ce titre tu vas quand même pas râler,
Trop d'la chance de servir des frites chez KFC !
Tu t'es levée tôt, t'es couchée tard, tu as parfois fait le trottoir,
Pour une passe ou pour un joint,
Tu as dealé ce que tu pouvais pour te sortir de ton mouroir.
Car c'est bien 4 planches qu'ils ont clouées sur tes ambitions,
Pas le temps de rêver, il faut faire du pognon.
Ils ont dit que c'était impossible alors tu as renoncé.
Ils ont dit que tu étais incapable alors tu as reculé.
En école de commerce tu t'es bercée d'illusions,
" Eh meuf, le business c'est l'avenir ! "
Le diplôme a 30 000 balles c'est sûrement la solution...
Jeunesse,
Tu es tombée dans le canap ikea,
Obsédée par la possession matérielle.
Tu as convoité des télés, des abats jours, des matelas.
Pour mieux dormir surtout car la nuit tu ne rêves pas.
Tu t'oublies, tu dépenses, tu bois et sincèrement parfois, tu ressens la joie.
Mais dans tes ivresses et tes sourires, le désespoir est roi.
Tu t'emmerdes, me raconte pas que tu bandes, j'y croirai pas.
Tu cherches le vrai dans ce Truman Show,
Je t'ai vu chercher la Déf de " VÉRITÉ " dans ton dico.
La société artificielle, la société criminelle, qui tue la terre, les animaux...
Les règles qui avantagent les bourreaux.
La démocratie par l'oligarchie, pour les actionnaires
La liberté d'être docile et d'élire des tortionnaires.
Le monde part en vrille, il y a de quoi angoisser.
Au lieu de ça regarde-le, mais éteins ta télé,
Ne panique pas, sois juste consciente.
Observe. Sois vigilante!
Délestée de la peur tu pourras réagir.
C'est à toi maintenant de façonner l'avenir.
Jeunesse,
Je te trouve tellement jolie quand tu gueules,
Quand tu cognes dans les murs qui t'emprisonnent.
Tu me redonnes espoir quand tu crames par les 2 bouts,
Quand tu réponds que "ta retraite tu t'en fous".
J'adore quand tu mords sans qu'on s'y attende.
C'est, contre ton dressage, une victoire écrasante.
Tu n'es jamais plus belle que tes jours de rébellions !
J'aime tes élans de folie, la mise à mort des conventions,
Les cocktails qui veulent dire "Nous brûlerons jusqu'a la liberté!"
J'aime quand tu écris "Le monde ou rien" et quand tu déterres des pavés.
Jeunesse lève-toi,
Pousse les murs,
Sauve le monde dans chacun de tes pas,
Et écris l'histoire qui te revient de droit.
Lucie Hautelin
Comédienne, militante anti-spéciste et indignée contemporaine, elle se déploie dans les mouvements de luttes populaires et partage par écrit ses indignations, ses inspirations, ses coups de gueule contre les oppressions qu'elle combat. Son texte "28 Avril 2016" , écrit après qu'elle ait reçu un éclat de grenade de désencerclement, a été le départ de sa volonté d'exprimer tout ce que vit un militant au quotidien.