Tourné dans années 60 par une ligue anti-porno américaine, "Pages of Death" fait rire
Oh joie ! on vient de retrouver un film de 1962 aussi culte qu'il était invisible depuis fort longtemps. "Pages of Death" est l'équivalent du fabuleux et abracadabrant "Reefer Madness", le film de propagande contre la marijuana. Ce film d'épouvante et de science-fiction tourné par une ligue anti-porno d'avant la libération sexuelle des 60's voulait démontrer que lire des revues sexy menait droit au crime. Une perle de moralité WASP coincée. Du Ed Wood pour livre de prière.
Longtemps considéré comme perdu, une copie en 16 mm du Pages of Death datant de 1962 vient d'être retrouvée dans les archives de l'Oregon Historical Society. Sur le blog porno Vintage Sleaze, le chroniqueur Jim Linderman décrit le pitch de Pages of Death comme suit : l'histoire d'un adolescent qui zone en lisant des revues porno au Baker’s Variety Store jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus et finisse par assassiner une adolescente dans un accès de rage meurtrière.
Deux détectives de la brigade des mœurs, campés façon Dragnet mènent l'enquête autour du meurtre de la jeune fille de 11 ans, en fouillant le passé du criminel et découvrent dans son antre une belle collection de magazines soi-disant porno de l'époque, de simples revues naturistes, les nudies qui faisaient alors grand bruit.
Ces deux héros de la morale rétrograde et du nouveau monde rendent ensuite visite au propriétaire du Baker’s Variety Store, en lui annonçant qu'il est co-responsable du meurtre de la jeune fille pour avoir diffusé de la littérature dégradante. Puis, l'acteur Tom Harmon vient délivrer le message que tout le monde attendait, à savoir, celui que les ligues de morale et autres membres de la société pour une littérature décente (les ligues de vertu en vogue sous Roosevelt, et au fil des 50's) assurent sans sourciller : "que les revues dévoilant les charmes ( bien fermes) des femmes ne peuvent que dépraver la jeunesse au point de la rendre criminelle et les transformer en maniaques sexuels." (Ouch!)
Mais, le meilleur de l'histoire est que pour ce faire, la musique au mètre utilisée au cours de ce discours solennel est la même que celle employée par Ed Wood dans son fabuleux Plan 9 from Outer Space, créant une contingence totalement hilarante et fantastique qui met d'un coup à bas toute l'argumentation déployée. Un peu comme si, en faisant l'éloge funèbre des assassinats de la rédaction de Charlie, vous entendiez chanter Johnny Halliday. Carrément inconcevable !
Pages of Death est un exercice ringard, datant de l'époque où la surpuissante morale protestante n'aimait rien moins que voir ses enfants jouer derrière des barrières blanches avec un ballon, sans même s'apercevoir de ce qui passait, une fois la lumière éteinte, dans ces mêmes pavillons à l'intérieur des familles. L'Oregon Historical Society, consciente d'avoir mis la main sur une petite s'apprête à en sortir prochainement une version restaurée. Mais en attendant, venez avec nous découvrir les ratés d'un monde à l'effigie de Mr Propre en 16 mm. Un film culte !