L'AUTRE QUOTIDIEN

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Riace : des bronzes grecs aux migrants d'aujourd'hui, un village calabrais capitale de l'humanité

Nous avons besoin de belles histoires, pour nous réchauffer l'imagination, et réveiller le désir de voir autre chose que le mal partout. Car le bien, et le bien de tous, existe aussi. C'est ce que pensait Domenico Lucano, le maire d'un petit village de Calabre en train de disparaître, Riace, célèbre pour les deux bronzes de soldats grecs qu'on y a trouvé en 1972 et rien d'autre, dans une région vivant sous la coupe de la N'dranghetta, la mafia calabraise, en voyant arriver par erreur sur sa plage 200 migrants kurdes qui pensaient arriver en Grèce. Au lieu de les rejeter, il a convaincu les habitants de les accueillir comme une chance, celle du renouveau de leur ville. Puis en a accueilli encore d'autres, déclarant Riace "ville d’hospitalité". Rouvrant une école, ressuscitant l'artisanat local, créant des commerces. Wim Wenders est venu à Riace tourner un petit film sur cette histoire : "Il Volo", l'envol. Vous pouvez le voir ici.

La moitié de l’Europe ferme ses portes aux immigrants, mais en Italie, un village de pêcheurs offre l’asile aux réfugiés, garantissant ainsi sa propre survie.

Les moutons bêlent depuis les pentes rocheuses, la mer murmure depuis la côte et ici l’utopie de Mimmo est devenue réalité – celle d’un endroit réputé pour son hospitalité plutôt que pour ses frontières. Mimmo s’appèle en réalité Domenico Lucano (mais personne ne l’appelle ainsi), et il est le maire de Riace, petit village de pêcheurs sur la côte de la Calabre. Trois églises pour seulement 1500 habitants, dans la rue quelques douzaines de poules et un chien en mauvais état. Un endroit si insignifiant qu'aucun touriste ne s’y arrête, même pas par accident.

Lucano a proclamé son village natal patrie des réfugiés, tandis que la moitié de l’Europe tente d’isoler les migrants illégaux en créant des frontières de plus en plus impraticables. «Dans notre pays, » dit Lucano  » nous accueillons les réfugiés à bras ouverts. » Aujourd’hui à Riace vivent plus de 500 migrants, près d’un résident sur rois. Personne ne possédait un permis de séjour ou un document de travail valide quand il est arrivé. Ce sont des jeunes hommes de la Tunisie, du Sénégal et de l’Érythrée, des femmes et les enfants de la Syrie et de l’Algérie, qui se sont enfuis de leur pays d’origine en raison de la guerre et de la pauvreté.

Adama Kone, 33 ans, est arrivé il y a deux ans en provenance du Mali, où il ne pouvait plus trouver du travail pour nourrir ses deux enfants. Aujourd’hui, il vit à Riace, est propriétaire d’une maison et travaille dans le garage attenant où il a ouvert son propre atelier de réparation de voitures. Trois rues plus loin,  Fatma, une jeune Afghane de 24 ans, travaille dans un magasin de tissus. Elle a fui son pays natal à cause des talibans et travaille maintenant comme couturière et tisserande de tapis à Riace. Elle reçoit environ 600 euros par mois de la Ville, qui a également mis gratuitement à sa disposition une vieille maison abandonnée. Les villageois ont aidé Fatma à la rénover etla rendre de nouveau habitable. En retour, Fatma prend soin de leurs enfants pendant la semaine, ou soigne leurs parents âgés et malades d’Alzheimer.

Les réfugiés aident à reconstruire le village


« À Riace la solidarité n’est pas à sens unique », a déclaré le maire Lucano. «Nous essayons d’offrir aux réfugiés une nouvelle maison ici, et en retour, ils nous aident à la garder vivante. » Les réfugiés, qui ailleurs sont rejetés car illégaux, sont intégrés à Riace, et contribuent à la reconstruction d’un village qui, il y a 14 ans, était presque mort.

Le village est situé dans l’une des régions italiennes les moins développées. Une triste coulée de béton, des emplois peu rémunérés et un terrain idéal pour la Mafia. Pendant des décennies, les gens ont fui loin d’ici : des 3000 habitants d’autrefois, à Riace aujourd’hui il n’en reste que 800. Les dernières pizzerias et gelaterias du village ont fermé boutique. « Notre village bien-aimé » dit Lucano « était comme un malade en phase terminale qui attend sa dernière heure. »

Et puis est arrivé ce que les habitants de Riace considèrent comme un miracle : la nuit du 1er Juillet 1998, un navire transportant 218 Kurdes a débarqué sur nos côtes. Ils fuyaient vers la Grèce, mais ils avaient perdu leur chemin. Affamés et épuisés par le froid et la fatigue, la plupart d’entre eux avait déjà perdu tout espoir. Lucano a travaillé pour que les réfugiés soient accueillis et hébergés par les habitants.

Au fil des années, de plus en plus de réfugiés sont arrivés, et le maire s’est rendu compte qu’ils avaient redonné vie à sa ville. Lucano emprunta de l’argent au nom de la Ville, afin de reconstruire les maisons délabrées dans le pays et de donner un salaire décent aux migrants. Il a également demandé une autorisation spéciale à la région Calabre pour qu’elle accepte les migrants  sans trop de passages bureaucratiques.

Selon la Croix-Rouge italienne, l’hébergement des réfugiés dans les camps en Calabre coûte environ 55 euros par jour et par habitant. À Riace, chaque migrant coûte seulement la moitié. « Parce que les nouveaux arrivants s’intègrent rapidement » dit Lucano.

Sa dernière invention est l’euro de Riace : les migrants, qui doivent attendre jusqu’à sept mois avant d’obtenir de l’argent du gouvernement, peuvent faire leurs achats dans les magasins locaux avec une monnaie locale, de manière à obtenir le nécessaire à leur survie. Une fois qu’ils obtiennent l’argent du gouvernement, les commerçants peuvent les utiliser pour convertir les monnaies locales et récupérer leur crédit. Les réfugiés ont également contribué ces dernières années à l’essor économique de Riace. Ateliers, boulangeries et coiffeurs ont repris leurs activités. Les arts traditionnels du tissage et de la céramique ont été relancés, et depuis, on a même rouvert une école, où les enfants arrivés avec leurs parents apprennent la langue italienne.

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«Les adolescents ont besoin de plus de temps pour s’adapter ici», dit l’enseignante, Emilia, 51 ans. Beaucoup ont grandi dans des pays dominés par la guerre civile et la persécution, et connaissent seulement la vie de réfugié. La plupart d’entre eux ont juste besoin d’un peu de temps pour réaliser qu’ici ils ont trouvé un endroit où ils peuvent rester en permanence.

Initialement, les habitants avaient peur de n’être plus les maîtres de leur village.


Les habitants aussi ont eu besoin de temps pour s’habituer aux nombreux nouveaux visages dans leur village. Les plus âgés étaient les plus sceptiques. Certains ont même craint que la compassion de leur maire conduise leur village à la ruine. Mais au fur et à mesure que le village se redressait, dit Emilia, « les doutes ont disparu. »

Aujourd’hui, les vieux de Riace regardent les enfants Africains qui jouent au football sur la place du village. Dans les boulangeries, l’odeur du pain frais se mélange à la musique arabe, et dans les magasins d’artisanat les autochtones et les étrangers, travaillent côte à côte où pour produire des décorations et de la poterie.

Toute cette harmonie est une épine dans le pied pour la redoutée ‘Ndrangheta. La mafia calabraise, qui pendant des décennies a pu exploiter la pauvreté de Riace, a essayé de saboter la reconstruction du pays. Peu de temps après sa réélection à la mairie de Lucano, en 2009, la mafia a empoisonné son chien et criblé de balles les murs du restaurant Donna Rosa, où Lucano dînait avec des amis. Quelques jours plus tard, malgré tout, le maire a mis en place un panneau d’affichage où est écrit en grosses lettres : «Riace – ville d’hospitalité. »

En 2010, pour son engagement, Lucano a reçu le prix World Mayor [le prix du meilleur maire dans le monde]. A Riace on l’a même proposé pour le prix Nobel de la paix, mais le maire a répondu: « Le plus important est que l’histoire des habitants de Riace soit un modèle pour tous ». Les pays voisins de Caulonia et Stignano ont suivi l’exemple de Riace, et maintenant ils sont eux aussi en train d’accepter des réfugiés. Et dans l’intervalle, le nom de Riace est arrivé jusqu'aux oreilles de Wim Wenders, qui est venu en Calabre pour tourner d'abord un documentaire sur le problème des réfugiés. Qui est finalement devenu un petit film de trente minutes « Il Volo, L’envol », que vous pouvez voir en entier ici :

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« La vraie utopie», a déclaré Wenders la même année, lors de la célébration de l’anniversaire de la réunification des deux Allemagnes, « ce ne fut pas la chute du mur de Berlin, mais la coexistence pacifique des peuples de Riace ». Dans ce village sans attraction entre les falaises dénudées et le murmure de la mer, j’ai vu un monde meilleur.

La Ville Nouvelle - Projets durables de vie et d'habitat – Marco Castroni, Architecte a Genève

Article traduit de l’italien depuis http://www.ilfattoquotidiano.it/2012/11/20/immigrazione-profughi-salvano-riace-dal-declino/419833/ et de l’allemand depuis http://www.zeit.de/gesellschaft/zeitgeschehen/2012-11/italien-dorf-riace-fluechtlinge-zuhause/komplettansicht


Quelques documents sur les bronzes de Riace, ou comment une très petite ville peut, à des siècles d'écart, être sensible à la beauté et inspirer le monde.

Il ritrovamento delle statue il 16 agosto 1972

Riace Bronzes or the Riace Warriors, the pair of life size statues depict naked Greek warriors and were created between 460–420 BC.