Naples : La Nuit M, d'aimer. Par Maria de Morais
Entre la Solfatara qui veille et le Vésuve endormi, Naples.
Via dei Tribunali. Palazzo Spinelli, Sur la terrasse de l’Albergo del Purgatorio. Le spectre noir si proche. « A Muntagna », appelé ainsi par les Napolitains, dessine un M dans le ciel. M d’aimer ou M de mourir. Quelque part dans la nuit, des détonations déchirent l’air et une féerie de couleur et de lumière explose et se hisse au dessus des forêts d’antennes de télévision, enchevêtrées sur les toits des immeubles en pierre de lave. Un anniversaire, une sortie de prison, l'arrivée de la drogue…
Naples, la soif de vivre ! Naples nous happe, prend possession de nous et très vite on se retrouve pris dans ses filets. Chaque instant, un moment d’éternité. Décembre. La ville grouille de monde. Une foule heureuse qui avance compacte et lente, lentement. C’est la grande fête. Les rues, les venelles, scintillent, animées de guirlandes, fleurs en papier, statues en stuc et les santons. Une odeur de fleur d’oranger et de marrons chauds embaume l’air. Jamais Naples n’est autant pérégrination. Naples, que la politique du Nord a voulu faire rayer de la carte, avec un plan délibéré de mettre la ville à l’écart des touristes, résiste. Naples que la Camorra, reine du crime, essaie de contrôler par tous les moyens, afin que les importations du marché noir puissent circuler librement, se rebelle. Dévastée, avec le consentement de l’Europe, l’économie dite légale, reprend petit à petit. On y vient de part et d’autre du monde. Je n’arrive pas à me convaincre de la réalité palpable et immédiate de ma présence en ces rues, étroites comme des failles dans la pierre. Depuis les fenêtres, entre couleur et linge qui sèche, chacun entretient un dialogue avec ceux en bas, dans la rue. Ici on ne chuchote pas. Le spectacle est omniprésent et le décor magnifique. Mon regard va de gauche à droite. On est dans le pays du bel canto et dans la rue et au quotidien, les plus grands acteurs du monde. Ici on joue la vie. Chaque jour. Mais aussi, la douleur et la joie. La joie de la naissance, en somme, la joie d’être en vie. L’accordéon. Pulcinella. Et dans les cours, aux pavés disjoints, les presepi. Des milliers de petites lucioles de toutes les couleurs brillent entre les santons. C’est religion. Le 25, le peuple le plus païen de la terre, fête, avec ferveur, l’enfant-dieu. Chaque année, un sapin de Noël est placé au milieu de la très belle Galleria Umberto I. On y vient accrocher sa « lettre au père Noel ». Chaque année, le sapin est volé ! Et partout dans la ville, sur les dalles en pierre volcanique, qui nous font tordre les chevilles, on installe des baraques en bois : on y vendra du feu d’artifice. Il n’y pas une nuit sans, d’ailleurs. La nuit du 31, on dit que « le monde devient fou ». La coutume veut qu’on jette tout ce dont on ne veut plus, par la fenêtre
Naples, tout un voyage, un voyage au ventre de la Terre.
Maria de Morais